Derrière le mur

DERRIÈRE LE MUR



Si je suis philosophe et que je me pose la question d’après la mort, je pars du principe que je ne « crois » pas. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a rien derrière le mur.
Je l’appelle le mur parce qu’il s’agit d’un bloc dur, haut, quasi infranchissable !
Et pourtant nous le franchissons bien, quand nous quittons cette bonne vieille terre !?
Aussi, derrière le mur, il doit bien y avoir quelque chose !
Alors, si je compare ce passage à un mur, je vais considérer les aspects d’un tel obstacle, et là peut-être, trouverai-je la faille qui me permettra d’aller de l’autre côté sans nécessairement « passer l’arme à gauche ».
A priori, un mur, on l’escalade, n’est-ce pas ? Ne suffit-il pas d’être bon grimpeur ?
Certes, on peut se griffer les paumes des mains et saigner, mais cela ne peut plus arriver, puisqu’on n’a plus de corps, on est donc léger et souple ; d’ailleurs, l’attraction terrestre ne joue plus : hop ! Il suffit de sauter d’un seul bond, un petit coup de lévitation et nous voici en haut du mur !
Juste le temps de regarder en dessous et puisque nous pouvons voler à présent comme un oiseau, n’hésitons pas, lançons-nous dans cette aventure aérienne et laissons cette misérable et trop courte vie pour découvrir l’immensité qui se trouve là à ce moment même où tant de personnes pensent que tout s’arrête. Là, tout commence : je plane au-dessus de paysages, de vallons, je vole vite ou lentement, au gré de ma volonté. L’horizon est infini. Je n’ai que l’apparence de ce que j’étais à mes propres yeux qui voient clair, que je fus myope ou pas .
Derrière le mur je ne suis pas tombée. Je ne me suis pas foulée la cheville.
Comme l’oiseau je peux me poser. Qu’est-ce que j’aperçois? Des champs, des maisons, des gens. Me voient-ils ? Certains oui, d’autres non. Pourquoi ?
Je parle avec certaines personnes ; je ne les connaissais pas forcément. Je découvre des lieux inconnus. Je croise des individus qui, eux ne me voient pas. Ces êtres sont-ils comme moi passés derrière le mur ou est-ce moi qui, brusquement, fait une virée dans le monde des vivants ? Comment avoir la preuve que je ne suis pas vraiment disparue quand je suis invisible ? Ces gens qui me voient et me parlent sont la clé. Je dois en retrouver.
Cette quête d’une âme, cherchant dans un vaste monde sans pesanteur, des « collègues », serait-elle l’imparable purgatoire, qui oblige à faire le point ? Je suis extrêmement seule, soudain, dans cet espace de pseudo liberté où je vogue au fil de mes inspirations.
Puis-je dormir ? Fermer les yeux et me reposer ? Nul besoin, je ne suis pas fatiguée, au monde du repos éternel ! Une sensation de force insoupçonnable m’envahit, je peux tout ! C’est extraordinaire ! Même dormir, mais juste comme si je tirais un rideau l’espace de cinq minutes ! Un entracte !
Ces minutes ont-elles la même durée que celle que je connais, puisqu’il n’y a plus de temps ?
J’ai « le temps » de tout ! Plus besoin de s’organiser pour savoir s’il faut commencer par ceci ou cela ; je peux dans le désordre,-ah, quel plaisir !- je peux agir, aller où bon me semble, sans stratégie. Quel pied ! Ne plus avoir aucun carcan devient intéressant Je vais m’amuser follement !
Aller rendre visite à ceux qui sont partis avant moi, mais…voudront-ils obligatoirement me parler ?
Eh oui, la parole n’a pas disparu. C’est étrange.
Derrière le mur, on peut encore échanger des mots, voir de beaux panoramas.
Est-ce qu’on peut manger ? Y a-t-il des fruits au goût agréable ? Comment digère t-on avec un tube digestif invisible ?
Derrière le mur, on n’a plus besoin de se cacher pour aller au petit coin : on est déjà derrière le mur ! C’est pratique. On n’a plus ce genre de problème désagréable. Etre un pur esprit, c’est drôlement chouette ! Je comprends que certains veulent « sauter le pas » avant l’heure !
Mais ceux-là, où vont-ils ? Atterrissent-ils derrière le mur ou tombent-ils dans un gouffre sans fin ?
Vais-je rencontrer, derrière le mur, les assassins, les mauvais, tous ceux qui ont fait le mal leur vie durant ?
En tous cas, je n’ai pas envie de les voir, et ce que je veux est primordial.
Je vais où je veux, quand je veux, je suis LIBRE.
Je vais enfin comprendre pourquoi, un certain jour, les évènements avaient pris une tournure invraisemblable. Je peux visiter les pages de ma vie et voir enfin ces détails ignorés.
Si d’autres histoires m’ont intéressée, je ferai des voyages révélateurs.
Si l’histoire avec un grand H me passionne, je visiterai les temps reculés où nulle caméra ne filmait.
Certes, aujourd’hui, je ne suis que philosophe et même si j’imagine avec force ces choses derrière le mur,il ne m’est point donné la clé pour ouvrir la porte dérobée et aller voir derrière le mur puis revenir pour dire ce que j’ai vu.
Et pourtant oui, j’ai une clé, celle du rêve. Quand je dors, c’est un peu comme si j’allais derrière le mur. Cela y ressemble beaucoup. Il y a de grandes similitudes entre la petite et la grande mort. Cette mémoire du rêve qui s’efface ressemble à ce grand mur qui nous empêche de voir plus loin.
J’ai décidé de voir et de comprendre.
Ma volonté est impalpable mais elle est immense, rien ne l’arrête, pas même le mur.
La mémoire d’illustres vivants nous aide à comprendre la vie, la force de ma volonté à percer le mystère de la mort aidera-t-il les futurs terriens à accepter d’immerger dans ce monde sans pitié ?
S’ils pensent par ce livre avoir le sentiment qu’en partant ils n’iront pas directement au néant, seront-ils apaisés ?
Il y en aura qui auront toujours la certitude que leur fin se fera par un choc contre ce mur, mais je n’ai pas pour objectif de convaincre qui que ce soit.
Je ne suis que chercheuse avide de réponses.
Petite libellule virevoltant au gré de mes idées.
Je ne suis peut-être qu’une idée moi-même. L’idée de moi qui écrit des mots sur un cahier pour les relire demain et me demander où j’ai trouvé ces mots ?
Suis-je allée derrière le mur ou le mur s’est-il effacé l’espace d’un miracle ?
Si ce n’est pas une magie que d’être inspirée, alors dîtes-moi si ça ressemble à l’envie de faire pipi ?
Oui !
Ah ?
Vrai que l’écriture coule, coule, …
Cool la vie !
Je crois que je vais aujourd’hui retourner dormir pour de vrai.
Je ne suis pas pressée d’aller voir vraiment derrière le mur si mes suppositions se concrétisent.
J’ai bien le temps encore de rêver, de dormir, et de faire l’oiseau pendant que mon corps se détend.
Demain je transcrirai mon ouvrage, il y aura peut-être des vivants que ça intéressera, des gens qui, comme moi le jour, se demandent pourquoi ils sont là, et ce qui se trouve derrière ?
Marie-Céline CHOTTIN













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Par Marie-Céline le 20.11.12

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